Mai 2023,

Me voici à Berlin, c’est ma toute première fois.

Je débarque de Bruxelles, en quête….

de nouveautés,

de rencontres,

de liberté.

Je tends à élargir les horizons de mon homosexualité, à rencontrer de nouveaux lieux, de nouveaux mecs, de nouveaux mœurs gays, à découvrir de nouvelles parties de moi. 

Il soleil est haut dans le ciel en ce jour de mai.

Le printemps se fond dans l’été, les parcs sont bondés.

Mes cheveux sont blonds comme les blés, déteints et platinés, lunettes de soleil sur le nez.

Je suis là de passage, je connais peu de personnes et encore moins de personnes gays.

L’ami d’un ami qui a vécu ici me propose de retrouver des amis à lui près d’un lac aux abords de la ville. 

Le lac se situe dans un parc naturiste connu pour sa zone de cruising gay.

Ça me tente.

J’accepte et lui donne rendez vous. 

Sur place, je découvre de nouveaux visages, de nouveaux corps. 

La pelouse aux abords du lac est jonchée de corps, éparpillés en petits groupes. 

Je cherche ma place.

Je trouve le groupe que je cherche et me présente.

Nous partageons l’après midi, un pic nique, des cigarettes, des histoires et des sourires. 

Des hommes près de moi s’enlacent, s’embrassent en plein air. 

Ils sont beaux, ils sont chauds. 

Je cherche des yeux le désir dans le regard des autres.

 Y aurait-il quelque un pour m’enlacer, pour m’embrasser ?

Je garde cependant mes lunettes de soleil.

L’après midi avance. Le soleil se déplace. L’envie grandit.

Notre groupe décide alors de se déplacer, de migrer vers la zone de cruising. 

Quittant le lac , nous marchons à travers bois. 

Arrivés sur place, les regards sont présents, les yeux se cherchent. Chacun d’entre nous marche en suivant son désir. Nous marchons ensemble vers le lieu de nos désirs communs. 

Milles sentiers semblent tracés dans la forêt. Des chemins qui ne vont nulle part, aussi qui dessinent dans la forêt un

parcours  pour se croiser et se cacher. 

Nous nous installons dans une zone ensoleillée, ouverte aux regards. 

J’étends ma couverture, Je retire mes vêtements, Je me couche. 

D’abord gêné par les regards, je commence à y prendre plaisir. 

J’ose retirer mon caleçon, mais garde mes lunettes de soleil. Je suis pudique tout de même. 

Tenterais-je de conserver l’anonymat de mes fesses?

Le temps passe.

Oserais-je aller plus loin ?

avec autrui ?

Mon corps mis à nu s’exhibe au soleil. 

Suis-je sexy ? 

je me pose la question.

Cela dépend des jours.

Cela dépend des saisons.

Cela dépend des angles.

Cela dépend de mon humeur.

Cela dépend de mes habits.

Cela dépend des regards posés sur moi.

Cela dépend.

Cela dépend ?

Il m’a fallu du temps pour me trouver beau. 

C’est d’abord ma tante qui lorsque j’étais adolescent m’a appelé « beau grosse ». Je sortais d’une longue période où je frôlais l’obésité . J’ai alors cru qu’elle se foutait de moi. 

Après des années d’anorexie et de boulimie dont j’ai réussi a me guérir, j’arrive aujourd’hui à stabiliser mon poids, à être mince. 

Je me trouve cependant encore loin des canons de beauté : épaules dessinées, fesses rebondies, abdominaux saillants, dos sculpté,…

Suis-je sexy ?

Je ne sais pas trop,

mais en ce jour de soleil, dans ce bois caché et ouvert aux regards,

je me trouve sexy

et je m’en réjouis. 

J’en aurai marché des kilomètres.

Depuis l’époque où, enfant, je découvrai que j’étais passé de petit enfant mignon à jeune pré-pubaire gros, pleurant dans mon lit en serrant mes bourrelets entre mes mains. 

Le soleil descend dans le ciel berlinois. 

Le jour tombe.

Les corps se lèvent, se disent au revoir, à bientôt, à la prochaine.

Certains ont joui, d’autre pas. 

Certains rentrent seuls, d’autres accompagnés.

Mais nous avons tous joui de ce moment partagé ensemble. 

Je me rhabille. 

J’enfile mon slip et le reste de mes habits.

Je plie bagage. 

Je quitte le bois des désirs et remercie le ciel de sa chaleur.

Le soleil brille encore de milles éclats.

Être sexy, est-ce que cela vient dès le réveil ?

Est-ce que cela dure un temps, un jour, une nuit, ou toute une vie ?

Et l’amour de soi ?

Est-ce que ça se cultive ?

Est-ce que cela vient des parents? 

de ses amants?

de ses amours? 

Je me demande si un jour je me laisserai tranquille, si j’arriverai à m’aimer tel que je suis, sans projections futures, efforts quotidiens et vigilance alimentaire constante.

Je me demande si je me laisserai en paix, m’aimerai malgré mes imperfections physiques. 

Non, je ne suis pas mannequin Calvin Klein. 

Non, je ne suis pas un athlète.

Non, je ne pas très masculin dans mon expression de genre. 

Non, je n’ai pas un passing hetero. 

Oui, je suis aimable et désirable. 

Et surtout : m’aimerai-je bientôt sans attendre que l’autre m’aime?

Peut être est-ce des banalités que je dis.

Et pourtant je ne crois pas être banal, justement. Je suis unique. Nous le sommes toustes.

J’aimerais pouvoir m’aimer tel que je suis. 

Sans m’en vouloir de mes écarts, de mes courbes, de mes zones molles et préhensiles.

Sans me brader pour la moindre belle bite de passage. 

Sans me laisser marcher dessus.

Sans me laisser entraîner dans des relations toxiques où je courbe l’échine, m’adaptant à outrance aux désirs de l’autre en espérant être et rester l’objet de ses désirs.

Sans laisser personne critiquer mon corps. 

Je suis unique.

Comme chacun, chacune.

Unique en son genre.

Unique en son Jean.